Faciliter le développement du secteur privé pour une industrialisation durable

Lundi 04 juin 2018

Blog par Rakesh Nangia, Evaluateur General d' IDEVCe blog fut rédigé pour distribution aux Assemblées annuelles 2018 du Groupe de la Banque africaine de développement.

Industrialiser l’Afrique est l’ambitieuse stratégie de la Banque africaine de développement destinée à transformer le continent grâce à des économies passant de secteurs à faible productivité à des secteurs hautement productifs, de l’agriculture aux industries agroalimentaires, de l’extraction de ressources minérales aux exportations de produits semi-transformés et/ou transformés à haute valeur ajoutée.  

La Banque prévoit de contribuer à multiplier par deux le PIB industriel du continent d’ici à 2025 en investissant 3,5 milliards de dollars américains par an durant les dix prochaines années grâce à six programmes phares d’industrialisation :

  1. le renforcement des politiques industrielles ayant fait leurs preuves ;
  2. la mobilisation de financements pour les projets liés aux infrastructures et aux industries ;
  3. le soutien de la croissance des marchés de capitaux liquides et efficaces ;
  4. la promotion du développement des entreprises ;
  5. la promotion des partenariats stratégiques ;
  6. et le développement de groupements industriels efficaces.

Consciente du rôle stratégique de la Banque dans la promotion de la croissance du secteur privé en Afrique, l’Évaluation indépendante du développement (IDEV) a, au cours des deux dernières années, investi en temps et en moyens pour tirer des enseignements et mettre en place des recommandations favorables au développement du secteur privé en Afrique.psd En collaboration avec le service d’évaluation de l’Agence norvégienne de coopération pour le développement, l’IDEV a organisé une série d’activités de partage des connaissances. La première s’est déroulée à Oslo, en Norvège, le 24 octobre 2016, la seconde à Nairobi, au Kenya, du 3 au 4 avril 2017, et la troisième à Pretoria, en Afrique du Sud, du 30 au 31 octobre 2017. Les activités de partage des connaissances de pair à pair se sont appuyées sur les conclusions de notre rapport conjoint intitulé Vers une croissance tirée par le secteur privé : leçons de l’expérience. Il s’agit d’une synthèse des observations et des enseignements tirés de 33 évaluations récentes par des institutions bilatérales et multilatérales évaluant les divers segments du soutien au secteur public en vue du développement du secteur privé : microfinance, capital privé, partenariats entre secteur public et secteur privé, petites et moyennes entreprises.

Avec pour thème général Le Développement du secteur privé en Afrique : ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et pourquoi, ces séries d’activités de partage de connaissances et d’enseignements nous ont permis de tirer parti des connaissances et des compétences d’un vaste groupe de parties prenantes (ministères, responsables gouvernementaux, dirigeants du secteur privé, représentants de la société civile, représentants d’agences de développement bilatérales et multilatérales, universitaires, groupes de réflexion et médias) d’Afrique et d’ailleurs. De ces échanges, l’IDEV a pu recueillir les solutions pratiques et reproductibles suivantes pour surmonter les obstacles politiques et institutionnels auxquels est confrontée la croissance du secteur privé, financer le développement du secteur privé, soutenir les petites et moyennes entreprises comme nœuds de croissance et mettre en place des recommandations sur la façon dont les gouvernements, les partenaires au développement et les acteurs du secteur privé peuvent intervenir pour créer des valeurs communes en Afrique.

Sur les moyens de surmonter les obstacles politiques et institutionnels auxquels est confrontée la croissance du secteur privé en Afrique

  • Le secteur privé a besoin d’un cadre juridique et réglementaire clair pour prospérer. Parmi les questions Importantes à régler figurent celles de la garantie des droits de propriété, de l’accès au crédit, des politiques ou des contraintes des quotas d’exportation, des barrières tarifaires et non tarifaires, des régimes fiscaux et des conditions relatives aux licences, permis, autorisations et inspections.
  • Des mécanismes destinés à encourager un dialogue structuré et le partage des connaissances entre les organismes gouvernementaux et le secteur privé doivent être institutionnalisés. La participation du secteur privé durant les phases initiales de la conception d’un projet et la recherche de partenariats public-privé représentent des pistes prometteuses en vue de l’amélioration de la collaboration stratégique.

Sur le financement du développement du secteur privé

  • L’une des difficultés importantes auxquelles est confronté le développement du secteur privé en Afrique est l’accès au financement à moyen et à long termes de façon abordable. Cet obstacle peut être surmonté grâce à l’investissement direct étranger, un meilleur accès aux marchés financiers et de capitaux locaux et régionaux et à l’amélioration des infrastructures. Pour améliorer les opérations de mobilisation des ressources nationales, l’Afrique doit créer des institutions financières plus solides, améliorer ses cadres réglementaires et renforcer les systèmes de transparence et de responsabilisation dans les secteurs financiers et bancaires.

Sur le soutien aux petites et moyennes entreprises comme nœuds de croissance

  • Pour exploiter le potentiel des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) en tant qu’importantes sources d’innovation et de création d’emplois, les gouvernements doivent faire davantage d’efforts pour créer un environnement favorable capable de s’attaquer aux contraintes pesant sur les MPME. Parmi celles-ci figure le manque d’accès aux marchés et au financement.
  • Les lignes de crédit octroyées aux banques commerciales pour le consentement de prêts aux MPME n’ont pas atteint leurs objectifs. Par conséquent, d’autres moyens destinés à inciter le secteur bancaire à apporter un financement adéquat doivent être examinés. Afin d’accroître le soutien aux MPME, des outils et des dispositifs innovants, le transfert systématique des connaissances et la mise en place de régimes fiscaux souples pourraient être utilement pris en considération.

Sur la façon dont les gouvernements, les partenaires au développement et les acteurs du secteur privé peuvent collaborer pour créer des valeurs communes

  • Des capacités de direction (volonté politique), des capacités d’exécution et des cadres institutionnels sont indispensables pour créer et faire évoluer des valeurs communes constructives. Mais la confiance réciproque entre le secteur public et le secteur privé est d’une importance primordiale. Cette confiance peut être instaurée grâce à une communication structurée et ouverte, au dialogue inclusif, à la participation et à la responsabilisation ainsi que grâce à des efforts provenant des deux côtés en vue d’une bonne compréhension mutuelle.
  • Les partenaires de développement peuvent jouer un rôle de conciliateur entre le secteur public et le secteur privé en agissant comme un médiateur ou un animateur capable de comprendre de façon raisonnable les deux parties et de les aider à parvenir à une compréhension mutuelle.

Ces enseignements montrent que, lorsqu’il est question de développement du secteur privé, l’Afrique a besoin d’une stratégie d’ensemble et ne peut pas seulement se contenter de combler des lacunes. Les réformes des réglementations sont un bon début, mais ne sont pas suffisantes. Les effets catalyseurs doivent être au centre de la conception de nos projets et une attention particulière doit être portée à la durabilité de ces opérations. Et en tant que première institution financière du continent, la Banque se trouve en bonne position pour améliorer de façon considérable le développement du secteur privé par le biais d’opérations et de programmes axés sur la création d’environnements favorables aux entreprises en vue d’une croissance partagée et d’une industrie durable dans nos pays membres régionaux.

Rakesh Nangia

Évaluateur général

Banque africaine de développement