Évaluation du rôle de la banque dans l'élargissement de l’accès au financement en Afrique

Date: 17/07/2020

Type: Évaluation thématique

Country(ies): 

Secteur(s): Finance

Statut: Achevé

La promotion d'une croissance inclusive est l'un des deux objectifs primordiaux de la stratégie décennale (2013-2022) de la Banque africaine de développement (BAD ou "la Banque"). Bien qu’il y ait eu des progrès substantiels réalisés au cours de la dernière décennie, l'accès limité au financement reste une contrainte majeure pour les ménages et entreprises en Afrique, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME). L'environnement dans lequel les systèmes financiers africains fonctionnent a également beaucoup changé ces dernières années, comme le rappelle la Politique et stratégie de développement du secteur financier (PSDSF) 2014-2019 de la Banque.  Conformément à la Stratégie décennale, l'amélioration de l'accès au financement, tout en accordant une attention particulière aux personnes traditionnellement mal desservies, était l’un des trois objectifs de la PSDSF, tandis que les deux autres sont de renforcer les marchés financiers et de sauvegarder la stabilité du système financier africain. Afin de fournir des informations crédibles sur le rôle de la Banque dans le renforcement de l'accès au financement et de l'inclusion financière en Afrique, et d'informer l'élaboration de la prochaine Stratégie de développement du secteur financier (DSF) de la Banque, l’Évaluation indépendante du développement a mené une évaluation thématique pour évaluer la pertinence et la qualité du PSDSF, ainsi que la pertinence, la qualité de la conception, l'efficacité, l'efficience et la durabilité des opérations de DSF approuvées entre 2011 et 2018. L'évaluation a porté à la fois sur la période avant et après l'adoption de la PSDSF.

L'évaluation a examiné 226 opérations approuvées par la Banque à l'appui du DSF sur la période 2011-2018, pour une valeur totale de 9,326 millions d'UC. Au cours de cette période, le nombre de pays recevant des ressources financières est passé de 19 à 31. Les lignes de crédit sont restées le principal instrument utilisé, mais leur part dans le portefeuille est passée de 60 % des opérations de DSF en 2011-14 à 34 % en 2015-2018.

Les éléments probants de l’évaluation proviennent d'une triangulation de méthodes quantitatives et qualitatives de collecte de données avec des études de cas au Burkina Faso, au Cameroun, au Kenya, au Nigeria, en Namibie, en Tunisie et en Égypte (synthétisé dans un rapport séparé sur les groupes de projets). En raison de la limitation de la disponibilité des informations au niveau du bénéficiaire final, la performance des opérations a été évaluée au niveau des institutions financières clientes.

L'évaluation a révélé que les récents développements dans le secteur financier doivent être pris en compte dans la révision de la PSDSF 2014-2019. En plus, la nature hybride du PSDSF (combinant à la fois une politique et une stratégie) a posé ses propres difficultés : bien que le document reflète l'état des connaissances du secteur financier, la relation entre la politique et la stratégie ainsi que les définitions des concepts utilisées sont peu claires. Les conclusions des études de cas pays ont montré que la haute priorité accordée à l'accès au financement dans la PSDSF et les pays partenaires n'était pas reflétée dans les Documents de stratégie pays (DSP) de la Banque. Les DSP évoquent le secteur financier principalement comme vecteur d'amélioration du financement des secteurs prioritaires, mais ne mettent pas suffisamment l’accent sur la nécessité de mettre en place des systèmes financiers solides, durables et résilients. Malgré une capacité interne de mise en œuvre accrue, l’évaluation a trouvé une faible coordination des activités de DSF au sein de la BAD.

En termes de performance opérationnelle, les opérations de la Banque se sont révélées être en phase avec les objectifs de la PSDFS et adaptées aux contextes des différents clients et pays, mais la majorité d'entre elles ne desservaient pas nécessairement les segments de populations défavorisés. Les opérations ne semblaient pas non plus faire partie d'une stratégie cohérente de la Banque en matière de DSF. Tandis que les opérations ont été jugées efficaces pour fournir des ressources et des services autrement inaccessibles pour les institutions financières clientes, leurs résultats en matière de développement en ce qui concerne les bénéficiaires finaux n’ont pas pu faire l’objet de suivi et être mesurés. Bien qu'environ la moitié des opérations de DSF de la Banque ont été jugées efficient en termes de respect du temps, l’efficience globale a été jugé seulement partiellement satisfaisante en raison d'une communication déficiente, d'absence d'un système de passation de marchés automatisé et des plaintes des clients concernant des processus trop longs. Enfin, bien que la BAD fournisse des financements à long terme très nécessaires à ses marchés cibles et qu'elle ait souvent aidé ses clients à obtenir des financements supplémentaires auprès d'autres IFI, l'évaluation a conclu que ses opérations tendaient à fournir des solutions temporaires et ne s'attaquaient pas aux causes profondes des contraintes pesant sur le DSF.

L'évaluation a fait trois recommandations principales avec des actions prioritaires :

  1. Le rôle de la Banque dans le DSF devrait être clarifié. Cela pourrait se faire en se concentrant davantage sur les priorités stratégiques de la Banque, en réalisant des diagnostics sectoriels pour déterminer les obstacles à l'accès au financement au niveau national et régional et en étant plus explicite sur la manière dont les opérations contribuent au DSF ;
  2. Positionner la Banque comme un acteur majeur dans le DSF par le renforcement de l'engagement de la Banque dans le dialogue politique et réglementaire, la systématisation de la coordination des services de la Banque impliqués dans les activités du secteur financier, l'amélioration de la sensibilisation et la profondeur des relations avec les parties prenantes du secteur et l'augmentation des ressources allouées aux opérations visant à favoriser l'intégration financière régionale;
  3. La Banque devrait améliorer les retombées pour les groupes cibles visés. Cela pourrait se faire en définissant et mesurant mieux les résultats de développement des projets et les bénéfices pour les groupes cibles, en s'appuyant sur des approches efficaces pour soutenir le financement des PME, le passage d'une approche axée sur une liste de projets à une approche axée sur le portefeuille et l'adoption d’une démarche plus résolue pour réduire la disparité entre les sexes dans l'accès au financement. 

Chef de projet : Albert Eneas Gakusi, Chargé d’évaluation en chef